Travaux du CNIDEP :

  • L’ensemble des études réalisées par le CNIDEP dans le domaine des déchets peut être consulté en cliquant sur le lien suivant : Travaux du CNIDEP.
     
  • Début 2008, découvrez les résultats de l'enquête nationale sur les gisements de déchets produits par les artisans initée par le CNIDEP. Sur la base d’une méthodologie et d’un outil d’enquête uniques, le CNIDEP a coordonné la visite de  1 150 entreprises par une dizaine de Chambre de Métiers réparties sur le territoire français.

Artisanat et Déchets :
Enjeux et voies d'amélioration

C’est en 1994 que la Chambre de Métiers et de l’Artisanat de Meurthe-et-Moselle lançait la première enquête française sur les gisements de déchets d’origine artisanale. En 1995 et 1996 d’autres Chambres consulaires se sont intéressées aux quantités de déchets des Très Petites Entreprises. Depuis lors, aucune nouvelle enquête de gisement n’a été réalisée.

En revanche, les Chambres de Métiers et de l’Artisanat ont été à l’initiative de nombreuses actions destinées à améliorer la gestion des déchets produits par les entreprises artisanales

La synthèse qui suit offre pour les trois grandes catégories de déchets, inertes, banals et dangereux, une description et une analyse de :

  • la production française d’origine artisanale (données 94, 95, 96) ;
  • les activités artisanales concernées ;
  • les modalités de collecte des déchets d’origine artisanale ;
  • les filières d’élimination des déchets d’origine artisanale ;
  • les voies d’amélioration.

Deux derniers paragraphes traitent des questions transversales de l’animation et la coordination de terrain et de la distorsion de concurrence entre entreprises. En effet, il ne suffit pas de déplorer que les entreprises ne gèrent pas toujours correctement leurs déchets, encore faut-il leur proposer des solutions adaptées à leur taille et à leur activité. En outre, les efforts qu’ils engagent ne doivent pas être à leur désavantage si on veut qu’ils les poursuivent.
 

Problématiques des déchets inertes
 

Les activités artisanales concernées par les déchets inertes : toutes les activités du bâtiment (maçon, plâtrier, carreleur, peintre, électricien, plombier, chauffagiste, menuisier, métallier, serrurier,…), soit au total environ 350 000 entreprises

Carte des gisements de déchets inertes par départementsLa production française de déchets inertes d’origine artisanale (données extrapolées à partir des résultats agrégés des enquêtes de 1994, 1995 et 1996) : 7,2 millions de tonnes de déchets inertes par an. Il s’agit de gravats, tuiles, grès issus essentiellement de la rénovation de bâtiments. Plus de 90% de ces déchets représentent des matériaux (murs, cloisons, toitures, éléments sanitaires,…) que l’artisan dépose chez son client. La représentation cartographique suivante montre les départements où la production est la plus importante.

Les modalités de collecte des déchets inertes d’origine artisanale : Les déchets inertes ne présentent pas de problème particulier de collecte puisque l'entrepreneur assure naturellement son transport du lieu de production, le chantier, jusqu'au lieu d'élimination.

Les filières d’élimination des déchets inertes d’origine artisanale : C'est là que le problème se pose puisqu'il y a de moins en moins de Centres de Stockage de classe III, légalement prévus pour l'accueil de ce type de déchets. En effet, soumis à l’autorisation du Maire, sans prescriptions particulières obligatoires, ils ont très souvent évolué en décharges brutes ou sauvages qui se voient progressivement interdites et soumises à une obligation de remise en l'état. Les sites restants sont alors trop peu nombreux et donc très souvent éloignés des chantiers. Face à cette réalité les entreprises ont besoin d'un bon maillage de Centres de Stockage de classe III dont l'entretien et la gestion éviteraient toute dérive néfaste à leur pérennité.

Les déchèteries sont également un site d'évacuation des déchets inertes. Elles répondent plutôt bien aux besoins des petites entreprises du second œuvre du bâtiment qui ne détiennent que de très petites quantités de gravats. Or, les situations locales sont très disparates : elles vont de l'absence de déchèterie à une tarification dissuasive du service.

Les voies d’amélioration de la gestion des déchets inertes d’origine artisanale :

  • La réduction à la source ne parait pas possible puisqu’il s’agit de déchets de dépose.
  • Un dialogue devrait s’instaurer entre les collectivités et les représentants de l’artisanat pour réfléchir aux possibilités d’ouvrir de nouveaux Centres de Stockage de classe III et pour harmoniser les conditions d’accès en déchèteries, du moins par département.
  • L’information, la sensibilisation et la formation des professionnels doivent être poursuivies par les représentants de l’artisanat.
  • Les maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre devraient intégrer la prise en compte de la gestion des déchets de chantier dès la rédaction des documents administratif et techniques. Pour les y aider, le CNIDEP a réalisé un outil interactif en ligne sur ce site.

 
Problématiques des déchets banals (DIB)
 

Les activités artisanales concernées par les déchets banals : toutes les activités de l’artisanat sont concernées par la production de déchets banals, soit plus de 250 activités dans les secteurs du bâtiment, de l’alimentaire, de la production, de la réparation et des services de proximité.

La production française de déchets banals d’origine artisanale (données extrapolées à partir des résultats agrégés des enquêtes de 1994, 1995 et 1996) : 9,7 millions de tonnes de déchets banals par an. Il s’agit de déchets constitués de bois, de plastique, de caoutchouc, de papier, de carton, de métaux ferreux et non ferreux dont voici la liste par grandes catégories.

Production française annuelle de déchets banals (DIB)
 
Nature de Déchets
 
Estimation du gisement en T/an
   
Ferreux 475 000
Limaille de fer 5 000
Non Ferreux 70 000
Total Métaux 550 000
 
Bois 385 000
Cagettes 13 000
Cartons 510 000
Cheveux 10 000
Copeaux et sciures 870 000
D.I.B. en mélange 135 000
Déchets de démolition 6 160 000
Laine de verre 146 000
Palettes 10 000
Papiers 240 000
Plastiques 430 000
Polystyrène 117 000
PVC 13 000
Seaux et matières plastiques 8 000
Verre 90 000
Total D.I.B. en mélange 9 150 000
  
 
Total Déchets Banals
 
9 700 000
   

Plus de 50% de ces déchets représentent des matériaux que l’artisan dépose chez son client. La représentation cartographique ci-dessous montre les gisements de DIB par département :

Carte des gisements de déchets inertes banals par départements

Les modalités de collecte des déchets banals d’origine artisanale : hormis pour les activités du bâtiment, pour qui la collecte des DIB est assurée par les entreprises elles-mêmes, et pour les petits commerces et les artisans de proximité (métiers de bouche, coiffeurs, fleuristes,…) qui utilisent le service des ordures ménagères, la collecte des DIB est souvent un problème pour les entreprises artisanales.
D'abord un problème de stockage pour les petites entreprises dont les surfaces sont consacrées à la production ou à la réparation et chez qui les DIB représentent un très fort encombrement. Or, il faut pouvoir stocker longtemps afin que le déplacement en déchèterie soit rationnalisé ou pour limiter les coûts de collecte quand l’artisan choisit de faire appel à un prestataire privé, notamment quand celui-ci ne se déplace que pour une entreprise.

Les collectivités proposent, elles aussi, de plus en plus souvent la collecte des DIB des entreprises en porte à porte (extension du service de collecte des Ordures Ménagères) contre le paiement d'une redevance spéciale. Cette redevance apparait hélas comme un impôt supplémentaire aux yeux des entreprises. Il est donc indispensable d'expliquer à quoi correspondent les coûts, et nécessaire de donner aux entreprises le choix parmi plusieurs modes de collecte afin d'éviter un sentiment de "prise au piège".

Pour les DIB des petites entreprises, l’accès aux déchèteries représente une autre offre de service intéressante. Ces structures offrent aux artisans une solution de proximité pour une grande variété de déchets. Il faut toutefois observer qu’elle nécessite que les professionnels possèdent un véhicule approprié et prennent l’habitude de se déplacer pour éliminer leurs déchets.

Les filières d’élimination des déchets banals d’origine artisanale : elles ne présentent pas de problèmes dans la mesure où la collecte est assurée par un opérateur autorisé et compétent : collectivité ou prestataire de collecte privé. Les artisans n’ont en effet que très rarement à faire directement avec les centres de recyclage ou d’élimination.

Les voies d’amélioration de la gestion des déchets banals d’origine artisanale : 

  • La réduction à la source ne parait pas possible pour tous les déchets de dépose, que l’on trouve dans le secteur du bâtiment, de la réparation et des services. En revanche, ces professions et toutes les autres activités ont des déchets de « production » pour lesquels il est envisageable de réfléchir à des moyens de réduction à la source.
  • Un dialogue devrait s’instaurer entre les collectivités et les représentants de l’artisanat pour définir les modalités de mise en œuvre de la redevance spéciale et pour convenir des conditions d’ouverture des déchèteries aux petites entreprises.
  • L’information, la sensibilisation et la formation des professionnels doivent être poursuivies par les représentants de l’artisanat.
  • Les organismes institutionnels doivent s’assurer que la problématique des déchets banals d’origine artisanale est prise en compte dans le cadre des Plans départementaux d’éliminations des déchets ménagers et assimilés.

Problématiques des déchets dangereux (DIS)
 

Les activités artisanales concernées par les déchets dangereux : la majorité des activités de l’artisanat sont concernées par la production de déchets dangereux. Il faut cependant noter que parmi l’ensemble de ces activités, seules certaines professions représentées par un nombre important d’entreprises peuvent constituer des opportunités d’approche collective : les activités de l’automobile, du traitement des métaux, des arts graphiques, du nettoyage à sec, de l’ameublement, de la peinture.

La production française de déchets dangereux d’origine artisanale (données extrapolées à partir des résultats agrégés des enquêtes de 1994, 1995 et 1996) : près de 1 million de tonnes de déchets dangereux par an. En voici la liste par grandes catégories.

Production française annuelle de déchets dangereux (DIS)
 
Nature de Déchets
 
Estimation du gisement en T/an
   
Bains (photos et contenant métaux) 14 000
Batterie et piles 38 000
Boues de peintures 14 000
Boues d'usinage   1 000
 Cendres et scories  4 000
 Huiles moteur  165 000
 Liquides de frein  2 000
 Liquides de refroidissement  13 000
 Résines  3 000
 Solvants / diluants usagés  28 000
 Suies  8 000
Total Déchets Spéciaux 290 000
 
D.I.B. en mélange contenant D.I.S. 580 000
Emballages souillés 50 000
Matériels souillés 50 000
Papiers / Chiffons souillés 20 000
Total D.I.B. contenant D.I.S. 700 000
  
 
Total Déchets Spéciaux
 
990 000
   

Carte des gisements de déchets inertes spéciaux par départements

Les modalités de collecte des déchets dangereux d’origine artisanale : quelle que soit la forme de la collecte, en porte-à-porte par des prestataires spécialisés, par apport sur des points de regroupement ou en déchèteries, la nécessité d’une organisation et d’une animation collective est indispensable afin de faire diminuer les coûts et lancer une dynamique inter-entreprises.

Les filières d’élimination des déchets dangereux d’origine artisanale : elles ne présentent pas de problèmes pour les artisans tant que la collecte est assurée par un prestataire privé autorisé et compétent. Les artisans n’ont en effet que très rarement à faire directement avec les centres de traitement ou d’élimination.

Les voies d’amélioration de la gestion des déchets dangereux d’origine artisanale :

  • La réduction à la source est tout à fait envisageable notamment par la substitution de produits moins dangereux et/ou par le choix de conditionnements plus importants quand l’activité le permet.
  • La collecte en porte-à-porte dans le cadre d'un circuit de ramassage organisé sur un territoire mériterait d’être mise en œuvre pour faire baisser les tarifs de transports.
  • La collecte peut également s’envisager par des points de regroupement de proximité, comme par exemple les fournisseurs ou les déchèteries. Cette solution, pertinente d’un point de vue technique, psychologique et financier, est très délicate à mettre en œuvre à cause de la réglementation. En effet, tout regroupement de déchets spéciaux est soumis à autorisation préfectorale quelle que soit la quantité (il n’y a pas de valeur seuil comme dans d’autres cas). La démarche d’autorisation freine beaucoup les fournisseurs ou les collectivités qui ne veulent pas engager une procédure aussi importante, d’autant plus qu’elle nécessite une enquête publique avec tous les problèmes que cela peut engendrer (syndrome du NIMBY). On se retrouve dans une situation où la réglementation de protection de l’environnement est un frein à la protection de l’environnement. On observe également une différence d’appréciation des ingénieurs de la DRIRE selon les régions.
  • Le regroupement mobile comme cela se fait déjà pour les particuliers dans certaines communes, avec le passage et le stationnement d'un camion à échéance régulière, sur un emplacement défini à l'avance, fait partie des pistes qu’il faudrait tester pour en évaluer le caractère opérationnel.
  • Bien que les collectivités n’aient aucune obligation de collecter et traiter les déchets dangereux des entreprises, une collaboration pourrait s’établir entre la collectivité et les représentants de l’artisanat pour aider à la mise en place d’une solution satisfaisante pour les très petites entreprises. Ces diverses possibilités (vues précédemment) sont à évaluer en tenant compte des situations de chaque territoire. Une fois les choix techniques effectués, il faudra cependant coordonner la mise en œuvre des solutions et assurer leur animation sur le terrain.
  • L’information, la sensibilisation et la formation des professionnels doivent être poursuivies par les représentants de l’artisanat.
  • Les organismes institutionnels doivent s’assurer que la problématique des déchets dangereux d’origine artisanale est prise en compte dans le cadre des Plans Régionaux d’éliminations des déchets autres que ménagers et assimilés (PREDIS).

Problématique transversale de l’animation, la coordination et l’organisation de terrain

Les entreprises artisanales n’ont pas les moyens humains de faire face seules à ces problèmes. En outre, il n’est pas envisageable d’imaginer des solutions individualisées pour des entreprises de si petite taille.

Il est donc nécessaire qu’elles puissent se reposer sur l’accompagnement d’une personne extérieure à l’entreprise, spécialiste des questions d’environnement et connaissant le monde artisanal. Les Chambres de Métiers et de l’Artisanat sont, par leur caractère trans-professionnel et leur positionnement à l’interface entre les entreprises et les pouvoirs publics, des organisations tout à fait adaptées à offrir ce type de services. Elles sont d’ailleurs près de 100 à s’être associé les compétences d’un spécialiste des questions d’environnement. Il faut cependant noter que ce service, indispensable à l’évolution des pratiques professionnelles, ne peut pas être « vendu » aux artisans et que les Chambres de Métiers et de l’Artisanat n’ont pas les fonds propres suffisants pour en assumer les dépenses. Il repose donc essentiellement sur le soutien financier de l’Etat, des collectivités territoriales et des agences de l’eau et de l’environnement.

Problématique transversale de la distorsion de concurrence

Les artisans qui engagent des efforts pour limiter l’impact de leur activité sur l’environnement se trouvent souvent pénalisés par rapport à ceux qui ne font rien. Au mieux, leur marge bénéficiaire s’en trouve réduite, au pire ils perdent des marchés au profit des moins-disant environnementaux.

Ni la pression commerciale, ni la pression réglementaire, ne favorise les artisans respectueux de l’environnement, pour la raison qu’aucunes de ces pressions ne touche les très petites entreprises aujourd’hui.

Qu’il s’agisse de la clientèle de particuliers ou de donneurs d’ordres locaux plus importants, les critères de choix commerciaux sont d’abord le prix puis la qualité de la prestation. Le respect de l’environnement n’est que très rarement un critère de choix. En effet, l’absence de prise en compte de l’environnement ne pénalise presque jamais la qualité du produit ou du service vendu, alors que sa prise en compte a un effet direct sur leurs coûts. Pour un client, une vidange, la rénovation d’une salle de bain ou l’achat d’un plat à emporter peuvent être de bonne qualité et à un coût acceptable, sans pour autant qu’il sache que l’huile de vidange a servi de combustible dans la chaudière, que les pots de peintures sont passés dans les ordures ménagères et que le traiteur n’a pas de bac à graisses.

Par ailleurs, bien que la réglementation environnementale s’applique à toutes les entreprises sans préjuger de sa taille, les services de contrôle de l’état et des collectivités ne se préoccupent que très exceptionnellement des pollutions diffuses que peuvent provoquer les très petites entreprises. Les artisans respectueux de l’environnement y voient une injustice et ne comprennent pas que leurs collègues poursuivent des pratiques polluantes sans être non pas verbalisés, mais du moins mis en demeure de les faire évoluer. Les artisans ne répètent-ils pas qu’ils seraient prêts à engager des dépenses pour limiter l’impact de leur activité sur l’environnement si tous leurs collègues le faisaient également ?

En mettant en œuvre des mesures permettant d’élever le niveau d’exigence des clients et d’adapter l’intervention des services de contrôle aux très petites entreprises, le nombre d’artisans engagés et les résultats pour l’environnement pourraient être particulièrement remarquables.